« Non, il n’y a rien de cassé, dit la mère, tu es devenue une femme. On devient femme comme ça, d’un jour à l’autre et seulement parce que du sang sort de son corps? Elle ne voulait plus en parler, elle ne voulait pas savoir, quelle saleté inattendue, il fallait porter un chiffon de lin, déjà préparé à son insu avec ses initiales brodées par la grand-mère. Quelle honte que de porter cet énorme lange, comme un nourrisson, surtout ne le dire à personne, ne pas le dire à papa et pas non plus à grand-mère, être devenue une femme est tellement humiliant, il n’y a désormais plus d’espoir de devenir comme
ses frères, à partir de ce jour elle est condamnée. Le lendemain matin, sa grand-mère vient la réveiller, félicitations Marina, j’ai appris que tu étais devenue une femme, maintenant il te faut faire très attention, quand tu as tes affaires tu ne dois pas attraper froid, tu ne peux pas te baigner dans la mer, il vaut mieux rester à la maison parce qu’on devient nerveuses, et même irresponsables.(…)
C’est le mauvais sang que l’on a dans le corps, es la sangre mala, confirment à leur tour la Maria et la Marcelita, mala sangre, mauvais sang, c’est peut-être pour cela que l’on dit ne te fais pas de mauvais sang. Heureusement que le mauvais sang sort chaque mois, sinon on mourrait empoisonnées, mais que de méchanceté nous avons à l’intérieur. Et les hommes, comment est-ce qu’ils éliminent leur mauvais sang? »
Nous vous annonçons la sortie, pour le mois de novembre, de Derrière le paravent, roman de Manuela Benuzzi Billeter, dans la Collection Aujourd’hui. Traduit de l’italien Dietro il paravento par Danielle Benzonelli, ce roman magnifique et sensible évoque l’enfance et l’adolescence de Marina, petite fille aux yeux grands ouverts, issue d’une famille italienne émigrée en Espagne dans les années difficiles du fascisme…