Mélodie pour un coup de blues

Mélodie pour un coup de blues

Nouvelle inédite de Fabrice Schurmans, lauréat du concours 2020 sur le thème de l’ « Histoire du soldat » organisé par les Editions Plaisir de Lire en partenariat avec la Revue des Citoyens des Lettres.

Les 6 lauréats de ce concours nous présentent leur version revisitée de cette oeuvre centenaire dans le recueil à télécharger gratuitement ci-dessous.

Mélodie pour un coup de blues

Il pleut des cordes lorsque Joseph Dupraz descend du Greyhound. Il est revenu d’Afghanistan la mémoire lourde des saletés de la guerre. Rentre dans un bar – ouvert 24h/24h, 7j/7 – commande une triple dose de whisky. Les clients commentent la dernière nouvelle du comté. Paraît que la fille du Boss est malade. Quitte plus le lit. Parle pas, bouffe de moins en moins. Les médecins ne comprennent pas, même ceux qu’on a fait venir de la capitale en jet privé. Paraît même que le Père, il vendrait son âme au Bon Dieu. Pour ça, faudrait voir à la racheter au Diable. Désespéré qu’il est. Tellement désespéré qu’il a déclaré haut et fort qu’il donnerait sa fille en mariage à celui qui la ramènerait sur la rive des vivants.

Joseph s’en fout de la fille du parrain local. Il avait une fiancée dans le temps. Et une mère. Et des amis. Et un village où il a grandi. La guerre, c’est pas un office comme les autres. On va au turbin, on tamponne de l’Afghan, on bouffe du Taliban. C’est jamais fini. Le commandant Talib te colle à la peau après les heures de bureau. Sa femme, ses gosses éparpillés sur les murs reviennent nuit après nuit. Pour la déprime, t’es mûr. Le traumatisme te nuit, jour après jour. Certains perdent un bras, d’autres la raison. Le pire, c’est bien quand le soldat rentre à la maison. Six mois de service, dix heures d’avion pour se rendre compte que là-bas la vie a suivi son cours. Comme le fleuve qui traverse la ville. Plus jamais le même fleuve pour lui. Sa fiancée y voit des projets d’avenir. Joseph n’y voit que le passé. Le Talib, sa femme et ses gosses, c’est à en blêmir. Amis d’enfance, mère et fiancée le regardent sans le reconnaître. Comme tu as changé !

Joseph est rentré les poches grosses de ses primes (de risque, de commission, de tours de garde, de tours pendables), mais il ne possède presque plus rien. Il a prêté de l’argent à des frères d’armes ne parvenant pas à joindre les deux bouts. Tout cela le déprime. Alors qu’il recommande un triple, un inconnu s’adresse à lui :

  • C’est pour moi. Entre anciens, faut bien s’épauler. Je vois que t’es aux abois. Quelle unité ?
  • Et toi ?
  • T’as l’air triste. Perdu combien de copains ?
  • Trop pour revenir comme avant. Personne ne pige que même avec deux bras et deux jambes, un soldat ne rentre jamais entier.

Joseph se torche le whisky, repose le verre sur le zinc, se dit qu’il n’aurait pas dû pour le Talib, sa femme et ses enfants.

  • Le pire, tu vois, dans cette histoire, c’est que j’ai perdu ma guitare. Elle a accompagné mon blues en mi mineur. Des accords pour chanter tristesse et déboires. La pauvre ! Souvent désaccordée à force d’être trinqueballée. Je l’ai vendue à un salaud de lieutenant pour boire un coup. Elle me manque autant que mes potes. Plus que ma fiancée.
  • Elle t’attend ? demande le para.
  • Est-ce que j’ai la gueule d’un homme qui va se marier ? rétorque Joseph.
  • Je sais ce qu’il te faut, mec. Une femme et la guitare qui va avec. Pour la première, tu te pointes chez le Boss, tu dis que t’es toubib, que t’as sauvé des potes qui avaient les tripes à l’air. C’est un père, il acceptera n’importe quel air tant qu’il y flotte de l’espoir.
  • Et pour l’instrument ? J’ai plus qu’une poignée de fafiots. C’est pas la gloire !
  • Qu’est-ce que tu sais faire, hormis la guerre ?
  • Je suis un as au poker !
  • Alors rien n’est perdu ! Patron, deux verres ! Je crois que mon pote a une veine de pendu.

Il pleut toujours des cordes lorsque Joseph quitte le bar. La parlote du para lui a remonté le moral. Dans l’avenue principale, les commerçants saluent les derniers chalands. Les lumières de la ville se préparent pour la nuit. De rares voitures ronronnent en direction de la banlieue.

Le Boss habite un palais à la sortie de la ville. « Vous ne pouvez pas la rater ! » avait dit le patron en essuyant le comptoir. « Des colonnades, du marbre, des arabesques, vous voyez le genre. » Assise sur une colline, la bicoque s’impose au paysage, dominant la ville qui se tasse en contrebas. Un mur d’enceinte lui donne des airs de château-fort. Pas de pont-levis ni de douves, mais des gardes en costard, avec oreillette et lunettes de soleil. Visières Ray-ban un jour de pluie, au crépuscule ! Deux cerbères bloquent la seule voie d’accès. Ça se la joue dur à ronger. Il en a dépiauté des costauds pendant ses heures de bureau. Comme il n’est pas là pour chercher noise, Dupraz prend l’air du samaritain, une main sur le cœur et l’autre, au fond d’une poche, sur le jeu de cartes fétiche. Celui grâce auquel il arrondit ses fins de mois. « Je viens guérir la fille du patron », qu’il répond à « Qu’est-ce que vous voulez ? ». La cotte de maille Armani se tourne vers son double, l’interroge sans ouvrir la bouche, hausse les épaules avant de se résoudre à en référer à qui de droit.

  • Un type qui prétend pouvoir soigner la fille de monsieur King. Il a pas l’air du coin.

La patiente doit être au plus mal parce que personne ne lui demande ses papiers ni son diplôme. On le fouille quand même. « Pas de portable ? Pas d’armes ? » s’enquiert un des types sans que Joseph sache s’il s’agit d’une véritable question ou d’un étonnement. Depuis la guerre et les désillusions du retour, il voyage léger. Le portable lui donnerait envie de joindre son passé et un flingue le replongerait en enfer. Dans les deux cas, il n’a rien à y gagner. Ses réflexions, Joseph les garde pour lui. Il ressert son sourire, une main sur le cœur et l’autre sur son jeu de cartes.

Un des types lui indique l’allée menant au parvis. Le palais sent le mauvais goût et le pognon, un peu comme celui du commandant Talib qui, en plus, sentait l’ail et l’oignon. Une réminiscence le ramène à Helmand, à la femme et aux mouflets éparpillés sur les murs en marbre blanc. Il secoue la tête pour chasser l’image. Ça ne marche pas. Trop de points communs entre les deux endroits. Ici comme en Afghanistan, le chemin s’ouvre sur un perron soutenant des fontaines tarabiscotées. Derrière, une volée de marches, en marbre bien sûr, mène à la porte. Celle-ci s’ouvre lentement sur un nouveau costard, sans lunettes ni oreillette. Bouc parfait, noir comme une nuit afghane, les cheveux collés sur le crâne avec juste deux épis discrets dessinant de menues cornes.

L’ancien combattant ne bouge plus. Le temps ralentit sa course avant de refluer en emportant Joseph Dupraz. Ce type bien sur lui, propre comme un fusil d’assaut avant l’engagement, il le connaît. Dans une autre vie, il lui a vendu ce qu’il avait de plus cher. Le salaud qui le regarde en souriant, le fumier qui lui fait signe d’approcher, c’est le Lieutenant U. Cipher, celui-là même à qui il a soldé sa guitare. Sans son uniforme d’officier, avec son sourire triste, il a l’air presque humain. C’est un leurre ! Il aurait mieux fait de lui vendre son âme ce jour-là. Il n’oubliera jamais son nom. C’est celui de la saloperie, du mal, de la guerre.

  • Private Dupraz, quelle surprise ! Que faites-vous dans le coin ?
  • J’ai appris que la fille du Boss était malade et…
  • Je vous savais excellent soldat et musicien. J’ignorais que vous étiez médecin, coupe le Lieutenant.
  • Le blues fait parfois des miracles. Mon art vaut bien certaines sciences.
  • À condition de posséder l’instrument.
  • Prêtez-moi une guitare, vous verrez. Celle que je vous ai vendue de préférence.

Le Lieutenant U. Cipher observe son ancien subordonné. Un pauvre type parmi tant d’autres. Un pauvre type qui a regagné son bled pour constater que personne n’attendait l’apôtre, qu’un péquenot du coin a piqué sa fiancée, ses cigares et son plumard où il se vautre. Un pauvre type qui chante rudement bien, qui en a relevé plus d’un, dans les montagnes lointaines, lorsque la nostalgie jetait bas les âmes les plus solides. Monsieur King est désespéré et la médecine impuissante. Il connait l’affection dont souffre la fille de son patron. Cette espèce de mélancolie face à la brièveté de la vie. Lui aussi veut qu’elle se rétablisse, qu’elle le contemple avec de la joie et de la paix et de l’amour dans le regard. Ce Dupraz est un bon gars. Il comprendra. Pas question, s’il la soigne, de lui donner la fille ! Quelques milliers de dollars, sa guitare, ça compensera. Diable ! Ce n’est jamais qu’un soldat !

Dupraz est un simple soldat, pour sûr. Il saisit l’essence de la vie. Normal, il regarde celle-ci à partir du pied de l’échelle, celle qu’il ne gravira jamais parce que L. U. Cipher et Monsieur King en occupent les échelons. Alors, il dit à son ancien chef :

  • Refile-moi ma guitare et je te rends ta fiancée.

L’autre, interloqué, rétorque :

  • Tu as deviné ? J’ai toujours su que t’étais un malin, Joseph.

Bon la guitare, il faudra bien la lui rendre. C’est embêtant. Même s’il n’en joue pas, elle est à lui. Comme la fille, comme la ville et l’âme de ses habitants. Après ça, les dominés, les battus, les vaincus croiront qu’il leur est loisible de regagner ce qu’ils ont perdu. Ils regarderont vers le haut de l’échelle avec concupiscence. Non ! Il lui prête la guitare, le temps d’administrer le traitement à la jeune fille alitée et ensuite, contre monnaie sonnante, la récupère. Comme toujours.

Alors, le Lieutenant file la guitare au Private Joseph Dupraz, le mène dans la chambre de la femme alanguie, l’installe sur une chaise. Le drap noir de la nuit est tendu sur la fenêtre. « Un beau brin de fille », pense le soldat. « La peau mate comme le bois de ma guitare. Il y a si longtemps que j’en ai pas serré une dans mes bras. » Alors, il inspire profondément pour mieux expirer les sales souvenirs ramenés de la guerre. Le commandant Talib, sa femme et ses enfants, son village natal, sa fiancée, enfin ex-fiancée, sa mère, sa jeunesse, ce fardeau qui traînaille dans sa mémoire, qui encombre son futur, il veut le chasser en chantant. « Precious memories, unseen angels / Sent from somewhere to my soul / How they linger, even near me / And the sacred past unfolds. » Un bon petit gospel qu’il interprète en pensant à la version des frères Stanley. La jeune femme se retourne vers lui, lui sourit avec un mélange d’étonnement et de gratitude dans les pupilles dilatées par la musique. Il se dit que I Feel Like Going Home de Muddy Waters devrait les remettre d’aplomb tous les deux. La guitare retrouve son homme et l’homme le goût de la vie. La thérapie dure des heures car l’affection est sérieuse. Blues, gospel, folk, tout son répertoire y passe. Lorsque le jour point, la fille de Monsieur King s’étire, éprouve une énergie nouvelle, croit aux effets de l’art sur la santé.

Elle n’a pas le temps de demander son nom au jeune homme. Le Boss déboule dans la chambre, des bagues à tous les doigts, la larme à l’œil et un pétard plaqué or sous l’aisselle. Sa Princesse est sauvée ! Papa est aux anges. Bien sûr, il exige de savoir « c’est qui le sauveur, comment qu’il s’y est pris ». Son lieutenant pousse Dupraz dans ses bras, lui dit :

  • L’était sous mes ordres en Afghanistan. Un vrai battant !

Le bedon s’agite sous le costume rayé tape-à-l’œil que portent tous les Boss du monde. C’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît, pense Joseph. Et à leur chapeau. Le sien ressemble à une couronne kitsch. Le patron murmure un truc à l’oreille du Lieutenant qui acquiesce de la tête avant de s’éclipser. On dit dans la région que le Boss est un meneur d’hommes, qu’il t’évalue d’un seul regard, qu’il sait à quel monde tu appartiens rien qu’en observant tes pompes. On dit tellement de choses sur lui. Un monstre, un mythe, un philanthrope. Il bute un mec de la main gauche tout en signant un chèque pour les bonnes œuvres de la droite.

À propos de blé, le Boss sait être reconnaissant. Plongé dans le désespoir, il avait promis de prier tous les saints, d’abandonner la moitié de sa fortune aux pauvres et même de donner sa fille à celui qui trouverait le remède au mal mystérieux. Les désespérés font des tas de serments, jettent leur parole à tous les vents, cèdent volontiers leur âme à l’encan. La plupart oublient aussi vite les termes de l’échange. Le Boss n’oublie pas, n’oublie rien, surtout pas les dettes des autres. Les siennes se négocient en fonction de l’intérêt des parties en présence. Toute parole a un prix. Surtout quand on est riche à millions. Il ne va tout de même pas brader la future femme de son lieutenant. Alors il dit à Dupraz :

  • Votre prix sera le mien. Enfin, presque.

Ce à quoi notre soldat répond :

  • Je voudrais ma guitare.

Le Boss s’étonne :

  • Pas de pognon ?

Et le petit soldat de répliquer :

  • Je veux bien… à combien estimez-vous la vie de votre fille ?

Une heure plus tard, dans la chambre du motel situé à la sortie du patelin, Joseph compte les biftons que le Boss lui a remis dans un sac en kraft. Selon l’adage, un gosse n’a pas de prix. Inestimable. Sauf pour le genre de gars qui colle des étiquettes sur tout. Cinquante mille dollars. Ça fait pas cher la fille. Il n’y a pas de règle avec l’éthique. Chacun en joue comme il peut, avec ses moyens. Les moyens du bord pour les pauvres types, des moyens illimités pour la minorité qui campe en haut de l’échelle. Ici comme en Afghanistan, du pareil au même. Si la langue, la bouffe et les vêtements changent, pour l’essentiel, il n’y a pas tellement de différences entre les hommes. Les pauvres types crapahutent le long des routes tandis que la minorité se la coule douce dans un palais. Sauf le commandant Talib, sa femme et ses mouflets qui ne coulent plus nulle part.

Avec le blé vert et présidentiel fourgué par le père de ce beau brin de fille, l’ancien soldat se paie une Mustang d’occasion, quelques victuailles, deux bouteilles de whisky, une veste en cuir et un futur incertain. Il se décide à partir le lendemain de bon matin. Tout est prêt. Lorsqu’il ouvre la porte de la piaule, Cendrillon l’attend, adossée à son carrosse. Il se souvient d’une vague histoire de citrouille. Le reste se brouille, l’enfance est trop loin. La fille lui murmure à l’oreille :

  • Je veux me barrer avec toi. Emmène-moi loin de ce maudit patelin.

Joseph se dit que ça ne va pas être commode.

  • Ton père, Cipher… si je t’emmène, ce sera l’enfer !  lui susurre-t-il en retour.

Elle n’en peut plus, n’en veut plus. C’est à cause de son père justement qu’elle est tombée malade. Elle aspire à autre chose, rêve d’autres horizons, cherche un monde où sa vie tournerait rond.

Peut-être qu’il en va ainsi quand on vit au pied de l’échelle. On attire les ennuis comme les ennemis. Pas un hasard si la loi de Murphy touche surtout les pauvres types ! On n’a pas le droit de tout avoir dans c’te vie, c’est défendu par la loi en question ainsi que par ceux qui se sont approprié l’échelle. Alors, face à ce petit bonheur qui lui tend la bouche, il ne bottera pas en touche.

  • La route est à nous, bab ! Il faut juste une musique qui colle au bitume.

Qu’il lance, avant de chercher un truc sur son MP3. Sympathy for the Devil, histoire de quitter ce trou sur une bonne note.

Le problème avec l’ersatz de bonheur servi à ceux qui ont droit à si peu, c’est que, par la force des choses, il tient rarement ses promesses. Au moment où Joseph Dupraz passe la première, deux SUV enténébrés, vitres teintées, pilent pour vomir une dizaine de costards semblables à ceux qui gardent le palais de monsieur King. « C’est mon père ! » s’écrie la jeune femme. De l’une des bagnoles, descend l’âme damnée du maître du bourg. Cipher, le genre de fripouille qui prolifère dans toutes les guerres. De l’index, il ordonne au soldat de baisser la vitre. Pour lui, l’issue ne fait aucun doute. Reste juste à fixer le prix de la trahison.

  • Private Dupraz… Où donc pensez-vous vous rendre ? Filer de la sorte avec ma promise. Vous n’auriez même pas atteint les limites du comté.

Dehors, le vent balaie mollement la poussière, des hirondelles se poursuivent dans un ciel délavé, deux camions se croisent sur la nationale. Le monde est indifférent au drame sur le point de se dénouer. Joseph serre la main sur le jeu de cartes. Il va jouer gros, il le sait. Sa vie et le futur de Cendrillon. Le para ne lui avait-il cependant pas annoncé qu’il avait une chance de pendu ?

  • T’as peut-être le temps de faire une partie, Lieutenant ? dit-il en sortant le paquet.

Dans le regard de l’autre, il reconnaît la passion dévorante du jeu. Une faiblesse dont il a profité dans le passé.

  • Qu’est-ce que j’ai à perdre ? Tu gageras ta bagnole, ta guitare et tes derniers dollars. Tu me supplieras de te payer un billet pour l’État voisin.
  • Et si je gagne ?
  • Demande-moi ce que tu voudras ! Parole d’ancien Marine, la seule qui vaille.

Les deux hommes se rendent dans une auberge plantée en bordure de route, juste à côté du motel. Le genre d’établissement où l’on ne s’arrête que pour un café, deux œufs sur le plat et un peu de bacon. Un fanal dans la nuit pour les voyageurs au long cours. Au comptoir, quelques habitués qui comprennent le regard du Lieutenant U. Cipher puisqu’ils déguerpissent sans finir leur tasse. Un autre regard et l’employée dépose une bouteille d’eau-de-vie sur la table où se déroulera la partie de poker. Les sicaires du Boss gardent leur distance tout en surveillant la scène du coin de l’œil. Cipher leur a intimé de respecter l’issue du combat. « Quelle qu’elle soit ! »

Les rares témoins raconteront plus tard que la joute a duré des heures, que les deux hommes ont bu deux, non trois bouteilles à 40º ! De part et d’autre, on ment, bluffe, déstabilise, on tente le tout pour le tout. La partie est longtemps indécise. Lorsque la porte de l’auberge s’ouvre, le soleil finit de briquer les rares nuages collés sur la toile bleue. Cendrillon et deux hommes de main de son mafieux de papa attendent, avec angoisse pour la première et curiosité pour les seconds, de voir la tête du vainqueur. Le jeune fille ferme les yeux et prie « mon Dieu faites que ce soit le soldat ». Lorsqu’elle ose enfin relever la tête, c’est pour croiser le regard de Dupraz. Il porte le triomphe sur le visage et un sac rempli de billets dans la main droite. À l’intérieur, Cipher ronfle sous la table, emporté par un dernier verre, avalé d’un trait pour oublier l’amertume de la défaite. Et la colère du Boss. Il en prendra pour perpète.

  • T’as gagné beaucoup, mon amour ? demande Cendrillon.
  • Oui, bab’… Et le lieutenant a tout perdu.
  • Même son âme ?
  • Il a bien cherché… ne l’a pas trouvée.
  • Où m’emmènes-tu ? Chez toi ?
  • Y a plus de chez moi.
  • Où s’arrête-t-on alors ?
  • Où tu voudras. On roule sur l’or.

La voiture patine sur le gravier avant de s’élancer vers le monde. Un sable fin s’élève en même temps que les premiers accords de la chanson des Rolling Stones. Joseph se dit qu’il vit une histoire pas banale, que ce serait dommage de ne pas l’encrer pour en faire un refrain. Pour l’ancrer dans la mémoire des hommes. Un blues ou un folk qui commencerait mal et finirait sur une note positive. Ça commencerait, voyons, ça commencerait avec quelques accords mineurs, puis un truc mélancolique, du genre « It’s the story of a Soldier / Walkin’ back home for a long time /Far too long a walk… »

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